dimanche 30 octobre 2011

Notre (grand) père la guerre



Jeudi, chez BD Net, il y avait une dédicace de Florent Silloray, qui signe chez Sarbacane un bouquin au titre équivoque : Le Carnet de Roger. Au premier abord, on dirait un mix entre le Journal d'Anne Franck et un Marc Lévy. En fait, il s'agit d'un livre réalisé à partir du carnet de bord de son grand-père pendant sa captivité en Allemagne, au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer avec lui, si la bande dessinée a beaucoup traité le second conflit mondial, c'est une des premières fois qu'on aborde les souvenirs d'un prisonnier de guerre. Loin des Airborne 44 au réalisme stupéfiant de Jarbinet, loin du flegme de la Guerre d'Alan de Guibert (d'excellents bouquins), Le Carnet de Roger, c'est une BD sur 39-45 avec une seule page de bataille!

Loin d'Hollywood, mais bien plus proche des souvenirs qu'a pu vous confier un parent. D'abord l'attente de la drôle de guerre, la condition du trouffion moyen à l'affût d'un peu de rab' le midi, ensuite l'homme dépassé par le Blitzkrieg sur la France, et enfin le captif en Allemagne que seule sa famille n'a pas oublié. Paradoxalement, la lecture de l'album, m'a fait penser à La Grande Evasion. Dans le sens où ce que raconte Roger n'a rien à voir avec ce que Steve McQueen et consorts endurent dans leur camp. Dans le film, les soldats alliés peuvent cultiver des pommes de terre, faire pousser des fleurs, et ne sont pas astreints à des tâches éreintantes. Tout le contraire de Roger, qui troquera une captivité oisive mais dans des conditions épouvantables (nourriture pourrie, froid, et où on leur donne de beaux habits uniquement pour faire des photos pour rassurer leurs familles...) contre un passage dans une mine à ciel ouvert, mais où les prisonniers sont mieux traités. Collaboration? Non, réflexe de survie.

Le Carnet de Roger, c'est plus qu'un simple récit de guerre. Florent Silloray se met également en scène pour expliquer sa démarche. Avec la découverte de ce carnet dans un vieux carton, en 2002, à la mort de Roger, s'est engagée une véritable quête initiatique sur les traces de ce passé occulté que son grand père n'a (presque) jamais évoqué. L'auteur se rend en Belgique, en Allemagne, rencontre des témoins oculaires de la déportation de son grand-père. Le carnet se révèle un outil précieux: écrit d'une belle écriture serrée, au crayon à papier, il est à la fois formidablement précis (sur les conditions de vie dans le camp), et parfois assez vague (quant aux lieux de captivité).



Découvrez Le carnet de Roger, un journal de guerre signé Florent Silloray sur Culturebox !

Le carnet s'arrête en 1941. L'auteur se borne à émettre des hypothèses sur ce qu'a connu son grand père dans la seconde partie de la Seconde Guerre Mondiale. Ensuite, Roger se murera dans le silence. Comme tous les prisonniers de guerre, il incarne le visage de la défaite de 40 quand la France de 1945 se fantasme en résistante. Comme les prisonniers de guerre qui ne sont pas revenus amaigris et décharnés de leur captivité, Roger l'a joué encore plus profil bas. Et c'est tout  à l'honneur de son petit fils d'avoir exhumé son histoire.

Le Carnet de Roger a été récompensé du Prix Coup de Coeur du festival Quai des Bulles, et c'est amplement mérité.

PS: à noter le blog de la BD, où Florent Silloray raconte par le menu les étapes de la création de l'album.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire