lundi 28 novembre 2011

On le cauchemardait, ils vont le faire : une suite à "La Marque Jaune"!

Reprendre une série comme Blake et Mortimer relève de la gageure. Pas commerciale, non, loin s'en faut. Il y a des toujours des naïfs qui, comme moi, déboursent leurs 13 euros pour chaque nouveau tome. Un nouveau opus à chaque fois un peu plus décevant que le précédent. Tout avait bien commencé avec L'Affaire Francis Blake, une bonne histoire d'espionnage tout à fait correcte, puis La Machination Voronov, à mon sens une des reprises les plus abouties de Jacobs. Les choses ont commencé à se gâter avec L'Etrange rendez-vous, honnête histoire sans plus, puis avec le calamiteux Les Sarcophages du Sixième Continent et le décevant Le sanctuaire du Gondwana. Léger mieux avec La malédiction des trente deniers (avec un sévère coup de mou dans le second tome). Et voilà que le nouveau scénariste Jean Dufaux annonce au blog de référence Blake Jacobs et Mortimer qu'il a l'intention de donner une suite à La marque jaune, en ressucitant (on ne sait trop comment) le Professeur Septimus. Titre de travail de l'album L'Onde Septimus.



Je suis du genre à hurler avec les loups dès qu'on remet en cause le patrimoine de la BD. Je l'ai fait (un peu vite) avec Gastoon, finalement pas si mal que ça. Mais là, pour Blake et Mortimer, j'ai de sérieux doutes. Ce n'est pas uniquement lié à la qualité décroissante des albums. A mon humble avis, c'est aussi que la matière sur laquelle les auteurs doivent s'appuyer est assez maigre. Combien d'albums Jacobs a-t-il réalisés de son vivant? 12 albums, et 8 histoires en tout (certaines aventures comptent 2 ou 3 tomes). C'est quand même très peu pour avoir un corpus de personnages suffisant pour arriver à varier les histoires. Aujourd'hui, avant la sortie des prochains albums, on compte 7 albums post-Jacobs, bientôt 9. Il n'est pas illusoire de penser que vers 2015-16, la série dérivée comptera plus d'albums que la série mère. Et c'est à mon avis un problème.

Si ressusciter Olrik à tous les albums fait partie du gimmick, Jacobs n'a pas eu le temps de créer des dizaines de méchants, ni même des dizaines de personnages. Tout scénariste voulant se raccrocher un tant soit peu au corpus jacobsien est tenté de déterrer systématique l'inspecteur Pradier, le savant maléfique Miloch, la brute Sharkey ou l'empereur jaune Basam Damdu. Or, les meilleurs albums sont ceux qui parviennent à prendre leurs distances avec les personnages secondaires que l'on connaît déjà. La Machination Voronov, à mon sens le meilleur de la série, se passe en Russie, un pays où Jacobs n'avait jamais envoyé ses deux héros. L'Affaire Francis Blake a été l'occasion pour Ted Benoît et Jean Van Hamme de créer le personnage de Honeychurch, l'adjoint de Blake au MI6... un personnage qui sera repris par l'autre équipe travaillant sur le projet. Je pense tout simplement que la matière va cruellement manquer, et que cette résurrection en cours de Septimus est symptomatique d'une quête de légitimité que les nouveaux albums ne pourront jamais tout à fait obtenir. Pire, quand il s'agit carrément de donner une suite à La Marque Jaune, l'Album avec un grand A de référence pour tous les fans de la série.


D'autant plus qu'une revisitation du thème de La Marque Jaune a déjà été faite par le duo Veys et Barral, dans son très drôle Menace sur l'Empire. Une série parodique qui a beaucoup plus de latitude à détourner les codes de la série mère, autrement plus que les aventures "sérieuses" publiées après Jacobs, comme engoncées dans un carcan.



Les autres expériences de revisitation d'une série de BD très connue ne souffrent pas du handicap de matière première laissé par l'auteur originel. Les "Spirou par" proposent une lecture différente par chaque auteur de l'univers du groom, et ça fonctionne très bien vu que le contrat de lecture est clair. La tentative (réussie) de Larcenet qui a revisité Valérian fait plus penser à l'esprit parodique de la série Philip et Francis : comme dans Menace sur l'Empire, Larcenet bulldozérise joyeusement les codes de la série de SF de Mézières et Christin. Je suis un peu plus mitigé pour le Lucky Luke d'Achdé (avec divers scénaristes), qui oscille entre le franchement bon en reprenant le principe de la série de Morris, un thème par album et on brode dessus, et le très moyen en voulant autoparodier une série déjà parodique par essence. Mais dans ces trois cas, la série originale comptait au moins vingt albums et une sacrée galerie de personnages secondaires. Ce qui n'est pas le cas de Blake et Mortimer. D'où mes craintes...

1 commentaire:

  1. le début de l'histoire:
    http://www.centaurclub.com/forum/viewtopic.php?f=130&t=1472

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